Eryndal parvient enfin à esquisser un petit sourire à la remarque de Byrhon. Oh oui, il avait fait payer Lord Tenebris pour tout le mal qu’il leur avait fait, à Anhesis, sa mère et lui. Les excuses de Byrhon provoquent une légère crispation de la mâchoire du zabrak, qui serre les dents non pas par colère mais par affliction. Que de mots portés par une peur viscérale et faussée, qui avaient si bien atteint leur cible. Alors, savoir que rien de tout cela n’est sa pensée et, plus important encore, que Byrhon lui fait à ce point confiance, il s’en sent désorienté. Mensonge ou vérité ? Les mots de Daleth lui reviennent en tête et si le zabrak aimerait y croire, il a encore quelque peu du mal à passer l’éponge sur ce Byrhon si réfractaire à être raisonné auquel il a eu affaire tout à l’heure. Posant à son tour sa main dans le dos de son ami en guise de réponse, il hoche lentement la tête, observant du coin de l’œil son dessin presque prémonitoire.
Se redressant à la suite de Byrhon qui l’invite à l’accompagner, c’est avec une certaine surprise qu’il découvre, dans cette chambre élégante, ce bureau relevant d’un esprit aussi acharné au travail que le sien. Haussant un sourcil curieux en observant le Nagai aux prises avec sa bibliothèque, quelle n’est pas sa perplexité ébahie en découvrant l’armure ouvragée qui se cache derrière. Son regard se porte ensuite sur les deux sabres-laser et le zabrak finit par esquisser un petit sourire. Il reconnaît bien là l’extravagance de son ami, qui lui aussi, consent enfin à dévoiler ce qu’il est. Jensaarai… Jensaarai… oui, l’expression est facile à traduire pour qui a étudié l’ancienne langue Sith pour converser facilement avec un esprit de plus de huit mille ans. Il a dû en lire quelques mots dans un livre de l’Académie, il y a très longtemps. A vrai dire, on n’imaginait mal Eryndal en rat de bibliothèque et pourtant, pour compenser le non-enseignement de son maitre, il a bien dû s’y coller, à passer des soirées entières à éplucher toutes sortes d’ouvrages que l’on peut consulter en tant qu’apprenti. « Je crois avoir lu quelque chose à ce propos… Un ancien Jedi et ses acolytes, poussés à se séparer de leur Ordre par le manuscrit d’un ancien Seigneur Sith, pour se vouer à l’étude de la Force dans son ensemble, il me semble. » Et son visage se fend d’un sourire narquois : « Je constate que les Jedi qui basculent sont toujours très présomptueux. »
S’appuyant contre la table de travail en écoutant attentivement la suite du récit, le zabrak penche légèrement la tête sur le côté en ingérant l’information : Byrhon marié ! Qui l’eût cru ! Posant son regard sur la lame violette qui les éclaire, son visage s’assombrit à mesure que le récit de son ami plonge vers le drame. Cette histoire, c’est celle de tous ceux qui se sont laissés aspirés par la tourmente de leurs propres folies. De cette façon, le Côté obscur est aussi facile d’accès que dangereux pour ceux qui se laissent brûler. Sith, Jedi, ou autres, tous ont au final les mêmes problématiques. Eryndal plisse légèrement les yeux à la mention de l’apprentie de Kaedwell. En soi, ça ne l’étonnait pas de lui, vu le genre de papa qu’il est aujourd’hui. « Je suppose que c’est là qu’il a cessé de sourire. », murmure le Sith avant de laisser le Nagai poursuivre. Et la suite se révèle être la chute. Pendant plusieurs secondes, abasourdi, Eryndal ouvre la bouche sans qu’aucun son n’en sorte. Ce n’était vraiment pas le genre d’histoire à lui raconter alors que sa propre fiancée est enceinte ! Retrouvant le moyen de respirer, il relève les yeux vers Byrhon et souffle : « Je suis désolé. Vraiment. » Oui, vraiment, il ne peut imaginer même à quel point. Car si cela devait arriver pour lui et Anhesis… non, franchement, il deviendrait fou. Il se tuerait, même.
Son regard se perd sur la bibliothèque qui s’est refermée, pour masquer à nouveau le secret des Gill’losa. Que penser de tout cela, si ce n’est que c’est un beau gâchi, tant pour la perte de Byrhon que pour son abandon pur et simple de la Force. Mais quelque part, ça se comprend… Brusquement, Eryndal relève son regard vers l’albinos comme s’il n’en croyait pas ses oreilles. Encore un jaloux possessif ! Décidément, il a presque l’impression de voir son reflet. Fronçant les sourcils, le zabrak secoue la tête de dépit avant de passer ses bras autour des épaules de Byrhon en levant les yeux au ciel. « Espèce de crétin sans cornes. », lâche-t-il d’un ton exaspéré. « Le jour où je ne passerais plus te voir pour un tel prétexte à la mord-moi-le-nœud, je ne serais plus digne d’être ton ami. Quand on veut, on trouve toujours du temps pour les copains. » Et pour le coup, il sait ce qu’il dit. Le travail de Main noire n’est franchement pas des plus reposants et n’est pas concerné par les 50 heures de travail hebdomadaire maximales autorisées à Maloran. Se séparant de Byrhon, toujours en secouant la tête avec son expression boudeuse, il lâche un profond soupir. Car il sait maintenant quoi répondre à la question posée plus tôt par le Seigneur noir.
« L’obscurité n’a pas été facile pour Anhesis. Si elle a été projetée dedans de la pire des manières, moi en revanche… je suis littéralement né dedans. », avoue-t-il au bout de plusieurs instants de silence. « A cause d’un accident avec son vaisseau, ma mère s’est écrasée sur Korriban et a été forcée d’accoucher toute seule dans un tombeau Sith. Le choc et les blessures du crash, ajoutés au travail d’accouchement, l’ont tellement affaiblie et torturé que ça a réveillé l’esprit qui habitait cet endroit. Un esprit qui a réussi à se transférer dans sa tête sans parvenir à prendre le contrôle, faute de forces. » Haussant un sourcil en direction de Byrhon, il songe qu’il a le droit de savoir. « Cet esprit s’appelait Sorzus Syn et avait été une chercheuse talentueuse dans l’art de la magie Sith. C’est elle qui avait créé l’holocron renfermant le rituel dont je t’ai parlé tout à l’heure. J’ai grandi sur Iridonia avec une mère un peu dérangée, un con de beau-père et des cons de grands-parents, jusqu’à ce qu’elle et moi, on soit invités de force à suivre un homme. Un Sith, qui avait un holocron en sa possession et besoin de la clé pour accéder à ses connaissances, et quelle meilleure clé que l’esprit qui l’a créé… Il n’a pas dû être assez convaincant car Sorzus ne lui a jamais adressé la parole sauf pour le narguer. » Malgré cette histoire, un petit sourire narquois parvient à se frayer une place sur les lèvres du zabrak.
« C’est là que tout à changé pour moi… J’avais huit ou neuf ans, et je parlais presque pas un mot de basic. » Il a un léger rire caustique en se rappelant les premiers jours, les premiers mois à Maloran. « Cet homme est devenu mon mentor… si on peut appeler ça comme ça, vu qu’il n’a pas daigné m’apprendre grand-chose hormi la souffrance et le détester. Par la suite, Anhesis est arrivée. Ce serait une longue histoire à raconter pendant toute une soirée, mais au final, oui, j’ai fait payer à mon mentor pour tout ce qu’il avait fait. » Il plisse les paupières à mesure que son regard s’assombrit sur un rougeoyamment plus vif. « J’ai pris un rasoir, et je lui ai arraché la peau. Toute la peau. Avant de le plonger dans un bain d’acide. » Mais au bout du compte, c’était loin d’être suffisant face à tout ce qu’il leur avait infligé. Son cœur n’avait pas tenu suffisamment longtemps, en tout cas. Dans un soupir, Eryndal croise les bras sur son torse avant d’ajouter en guise de conclusion : « C’est l’esprit Sith qui m’a quasiment tout appris à cette époque. Mais elle contrôlait ma mère de plus en plus facilement, et en échange de son apprentissage, elle voulait que je l’aide à se libérer pleinement. Je n’étais pas vraiment de cet avis, alors j’ai préféré libérer ma mère en la tuant. » L’annonce est si froide alors que ce moment avait toujours fait si mal.
Il relève finalement un regard déterminé vers son ami. « Toi et Kaedwell soupçonnez bien. Anhesis et moi sommes des Sith. J’espère que tu es conscient de ce qu’implique le fait de connaître une telle information. »