Chronologie
► 457Eet s'éveille. Autour d'elle, des créatures s'approchent et l'observent. De longues pattes au nombre de 8, un corps d'acier, une taille d'un mètre environ. Et surtout cette voix dans sa tête... "Bienvenue". "Bienvenue". "Bienvenue". "Bienvenue". "Bienvenue". En écho perpétuel, le mot revient. Elle est nue, entourée de ses araignées métalliques. Elle se sait différente et pourtant la même qu'elles toutes. Elle ne se rappelle de rien avant cet éveil, qu'elle appellera toujours la naissance de sa conscience. Elle possède une certaine somme de connaissance en revanche, dans divers domaines, notamment technologiques, du langage et de matériaux. Et surtout, elle est totalement connectée, comme elle l'apprendra par ses pérégrinations et ses tests, aux autres créatures métalliques via un réseau privé.
► 461La jeune femme, androïde, a effectué de nombreuses expérimentations autant sur elle que sur ses soeurs métalliques. Elle est arrivée à la conclusion qu'elle était un mélange très complexe de chair et de technologie. Elle peut répondre à toutes les routines habituelles qu'elle a aperçu dans une encyclopédie de la "Bibliothèque Blanche" comme elle aime à désigner la pièce du complexe où ses sœurs et elle vivent. Cette bibliothèque aux surfaces blanches et lisses contient de nombreux ouvrages, essentiellement vouées à la technologie, aux métaux et autres matériaux et à quelques espèces différentes de son peuple, notamment des humanoïdes, dont elle est très proche physiquement. Ses premières sœurs ont été éveillées tout comme elle, mais de façon programmée. Elles avaient exploré longtemps avant son propre éveil la planète où elles sont, mais aucune créature intelligente ne vit sur ce terrain plutôt désertique. La planète est entièrement recouverte de glace et de neige et peu d'être parviendraient à supporter l'extrême froid. Autrefois, la planète semblait habitée par des êtres intelligents, dont les ruines, les sculptures et les bâtiments dévastés sont les derniers vestiges. Tous les indices indiquent que la planète est vide hormis Eet et son peuple et qu'ils sont arrivés plusieurs dizaines d'années après les derniers morts.
Eet s'est donc aperçu qu'elle pouvait manger, boire, déféquer et uriner. Et même faire semblant de respirer. Elle ne ressent aucun de ses besoins, mais elle peut les simuler à volonté. Elle ne ressent aucun sommeil ni fatigue. Ses cellules ne pourrissent pas, tout comme ses composants internes. Eet ne peut pas en revanche couper la communication entre elle et ses sœurs. Une fois, l'une d'entre elle s'est fait écraser par un énorme rocher. La perte de communication brutale a été violente. Bien que ses sœurs et elle ne ressentent pas la douleur, et très peu d'émotions, elles ressentirent cette absence de communication, cette perte de lien. Années après années, depuis l'éveil des premières d'entre elles, les araignées continuent de se co-créer selon le modèle qu'elles ont observé dans les ordinateurs. Elle extrait le métal si singulier des montagnes proches, forent avec le matériel présents, et font l'assemblage. Eet observe leur savoir-faire, puis s’attela à la tâche, comme l'une d'entre elles. Toujours plus de sœurs. Pour quelle raison s'obstinaient-elles toutes à faire cela ? Besoin de multiplier leurs liens ? Programme caché au sein de leur être ? D'où venaient-elles toutes ? Qui avait installé toute cette Bibliothèque Blanche, ce complexe (dont l'architecture dénotent avec celle du précédent peuple vivant sur cette planète), ce forage et cette abondance de matériaux nécessaires à leur création ? Eet ne se pose pas la question les premières années, trop occupée à apprendre, assembler, explorer. Mais elle a en elle les prémices de ces questions qui aboutissent toutes à : qui est le Créateur ?
► 499Elles sont deux centaines de milliers. Et elles ont arrêté. D'un coup. Elles sont désœuvrées et se contentent de construire de nouvelles galeries souterraines (la surface étant moins praticable), de créer des objets technologiques complexes vus dans des livres de la Bibliothèque Blanche et dans les autres édifices des villes alentours. Eet ne sait plus quoi faire. Quel est le but de leurs existences ? Jour après jour, elles patientent toutes. Sans bouger, en déambulant ou en créant. Eet observe le ciel à travers certaines vitres. Les étoiles et la ceinture d'astéroïdes entourant leur planète. Des centaines de milliers d'étoiles. Surement des centaines de milliards d'êtres au loin, qui ne connaissent pas leur existence. Des milliards de cultures différentes. Eet aimerait presque les connaître. Ses sœurs la mettent en garde. Personne ne connaît leur existence. Et c'est peut-être mieux ainsi. Alors, Eet lit et relit chaque ouvrage de la Bibliothèque Blanche, tandis que ses sœurs l'observent.
► 501 L'année qui a changé leurs vies. A l'aube, un énorme bruit les attira hors de leurs couloirs sinueux et de leurs galeries. Prudemment, Eet et ses soeurs observent à l'orée de leur complexe les alentours. Un vaisseau en vieilles ferrailles se trouvent à semi-enterré sous la neige et les rochers. L'appareil semble avoir subit plusieurs dommages. Elles attendent toutes. Rien ne se passe pendant une dizaine de minutes. Eet et une quinzaine de ses consoeurs se rapprochent. La taille de l'engin est correct, environ une cinquantaine de mètres. Deux de ses soeurs métalliques s'attellent déjà à ouvrir le vaisseau. La jeune femme caresse et examine attentivement les blessures du métal. Rien de grave. Juste des impacts réparables. Eet pénètre dans le vaisseau accompagnée et s'engouffre dans l'obscurité intermittente. Un homme s'y trouve. Une barbe épaisse, une taille imposante, des vêtements miteux. Inconscient. Les araignées le ramènent au sein du complexe, tandis qu'Eet ayant appris beaucoup d’éléments sur l'anatomie humaine, panse ses plaies superficielles. Après de longues heures, l'homme s'éveille en sueur, inquiet. Les araignées sont aux aguets. "Qu.. qui, qu'êtes-vous ?? Où suis-je ?" La blonde impassible et calme le renseigne "Nous sommes un peuple sans nom. Sur une planète du nom de Rhen Var. Que faîtes-vous ici ? Est-ce nous que vous cherchiez ?" L'homme se détend, tout en jaugeant les araignées métalliques. Eet comprend. Elle fait de même avec l'humain. "Je... J'étais parti rejoindre Anoat. J'avais une cargaison à délivrer. J'ai été pris dans un nuage d'astéroïdes qui a endommagé mon vaisseau. J'ai préféré atterrir pour vérifier que tout allait bien. La planète sur laquelle vous êtes est indiqué comme inhabitée et plutôt hostile en terme de condition de vie. Je ne m'attendais pas à ce qu'il y ait des êtres vivants... Est-ce vous qui avez créez toutes ces araignées ?". La jeune femme le regarde. Silencieuse. "Pourquoi voulez-vous savoir cela ?". Une pointe de défiance pouvait se sentir. Le pilote, encerclé, affaibli, ne cherche pas à en savoir plus. "Je vais me reposer. Je vous remercie pour vos soins."
► 502Les Araignées communiquent beaucoup avec Eet. Certaines veulent tuer l'humain, d'autres veulent le garder pour toujours, quelques unes veulent le disséquer et encore plusieurs veulent apprendre de lui par la communication. Eet a choisi son camp : la communication. Après un vote, la communication fut privilégier, en attendant de savoir le danger de la venue de ce pilote. Au début, elles étaient toutes en alerte, de peur que d'autres viennent le secourir. Elles ont bien entendu surveiller le vaisseau et l'étranger. La blonde fut l'interface entre elle et les araignées, la seule capable de langage. Ensemble, ils décidèrent de créer une délégation pour espionner, observer et comprendre les autres êtres qui peuple la galaxie. Pour savoir quelle était leur place. L'humain, du nom de Jhinrak, leur apprit tout ce qu'il y avait à savoir. Il leur demanda en échange de le libérer quelque part. Eet et les autres ne savaient que faire. De longs débats eurent lieu sur l'avenir de cet humain. Il fut décidé qu'il accompagnerait la délégation.
► 503 La jeune femme androïde contemple le corps de Jhinrak. Elle est arrivé trop tard. Certaines de ses soeurs ont décidé de le "libérer" là où elles ont atterrit avec le vaisseau réparé du pilote. C'est étrange comme un corps parait soudain bien vide après la mort. Là et pourtant plus là. Leur premier meurtre. Les Araignées expliquent. L'homme aurait forcément trahi l'existence de leur peuple et leur compréhension du monde, des motivations des aliens n'est pas suffisante pour laisser une telle révélation se faire aussi tôt. Pour ne pas compromettre l'existence de leurs autres soeurs, c'était l'unique choix. Eet s'incline avec d'autres. Le choix est logique. Et pourtant il reste un choix. Parmi d'autres. Leur peuple est une éponge. Leurs actes auront des conséquences, que ce soit dans leurs êtres ou dans la façon dont elles seront toutes perçues. L'Androïde espère.
Après s'être débarrassé du corps et de l'engin en l'abandonnant, Eet réussit par ses connaissances à devenir employée dans une fonderie, puis dans une firme technologique. Elle ne laisse pas entrevoir tout son savoir-faire et reste discrète pour ne pas trop attirer l'attention. Les gens la regardent souvent avec méfiance. Cette fille a... quelque chose d'étrange à leurs yeux. Ces quelques questions sont toujours déplacés, à côté de la plaque, voire complétement déplacés. Comme si elle était née de la dernière pluie, lui avait rétorqué une vieille. Sans argent ou presque, Eet marchande quelques objets de fabrication de son peuple. Les premiers marchands refusent. L'objet technologique, inconnu, qui plus est, dans un alliage étrange, a l'air beaucoup trop précieux et la jeune androïde ne comprit pas au premier abord que cela était anormale qu'une personne possède un objet de ce calibre et qu'elle souhaite le vendre en ville... Elle dut s'expliquer sans rien dévoiler avec les marchands, en vain. Elle demanda conseil à une personne dans la rue, qui la regarda de travers et mal à l'aise, en lui indiquant des acheteurs peu scrupuleux. Qu'importait pour elle que ce soit bien ou mal, notion bien abstraite pour elle.
Eet rencontra de nombreuses difficultés à s'adapter. Trop de cultures, de races, d'opinions différentes. Elle choquait parfois, surprenait fréquemment, rendait les gens suspicieux trop souvent. Cependant, la jeune femme trouvait tout aussi inadéquat les réactions d'autrui et espérait qu'elle finirait par passer inaperçu, à force d'enregistrer les réactions, les questions à ne pas avoir et à avoir, au fur et à mesure de ses lectures... Mais les gens se fichent d'elle, s'ils peuvent tirer avantage d'un autre être. Et elle est intelligente. Alors, très vite, elle gravit les échelons, patiemment, observant, jusqu'à atteindre...
► 507... le Syndicat du Métal. Là, ils la prennent sous leur aile, lui apprennent l'influence, l'art de l'éloquence, de la politique primaire. Le but : faire du profit, éviter que leur lobby ne perde de l'importance. Eet ne trouve pas que cet objectif soit en contradiction avec son but, bien au contraire. Son peuple a des avancées technologiques, du métal à profusion. De quoi leur assurer une existence paisible et obtenir une place dans la société. Mais elle entrevoit aussi la cupidité, l'envie, la trahison. Eet et ses sœurs ont peur. Et si on venait à pirater leur réseau interne ? Bien que très complexe, la crainte reste. Eet commence à entrevoir des émotions. Notamment parce qu'elle doit les simuler auprès des ambassadeurs, des sénateurs, des lobbyistes. Elle ne peut de nouveau être elle, l'androïde pure, que lorsqu'elle retrouve ses sœurs dans ses appartements privés. Ensemble, elles cherchent à élaborer un plan pour leur avenir. En attendant, Eet apprend encore, jusqu'à devenir non pas une lobbyiste manipulatrice, mais au moins influencer via des intérêts communs, des idées novatrices qui finissent par convaincre son interlocuteur. Et elle cherche des informations sur son peuple, sur sa planète et sur son éventuel créateur.
► 516 Eet entre au "service" du Président du Sénat Nemrod, à la demande du Syndicat. Elle "conseille" le Président du Sénat sur les questions et les scandales liés de près ou de loin à l'Industrie du Métal. Leur relation est pour le moins courtoise et chacun jauge l'autre, sur son intelligence, ses plans et ses éventuels complots. Elle devient son élève en ce qui concerne la politique. Eet ne comprend pas forcément les mensonges, les rumeurs lancés de façon volontaire, mais elle perçoit l'importance de l'influence et observe attentivement le jeu politique. Il s'agit simplement d'une mécanique immense, où chaque rouage, même infime, peut orienter le but et l'utilité de la machine. Si elle maîtrise les faits et sait les distiller aux bonnes personnes, un pan entier de la politique lui échappe encore : les émotions humaines. Amour, passion, vengeance, égo, colère, trahison, avarice reste des concepts quelques peu incompréhensibles à ses yeux. Tout ce qu'elle sait, c'est qu'elle sera du côté de tout peuple qui sera potentiellement pour protéger et échanger avec le sien. Peu importe à ses yeux les notions de bien, de mal, de moral. Seul compte la finalité.