La réponse du Chancelier Halcyon ne fut pas immédiate. Il avait écouté le récit de Troy du début à la fin, sans l’interrompre, ce qui était déjà un grand signe de respect pour le kronien, puisque les politiques avait une fâcheuse tendance à mépriser les militaires de la République. Halcyon ne cacha sa déception sur la façon dont avait été traité le dossier, surtout concernant le désastre de la confrontation entre la République et les Naboo. Un désastre que déplorait également profondément l’Amiral qui tenait tant à redorer le blason de la République Fédérale : l’image de l’union républicaine en avait pris un sacré coup. Puis le Chancelier demanda plus de précisions sur le cas de la trahison de Jal’Hel et ses motivations. Puis, se retournant vers la baie vitrée, il fit part de ses interrogations concernant l’espion mandalorien. D’ailleurs il émit de sérieux doutes sur son identité mandalorienne, ce qui était légitime. Le modus operandi de l’agent était inédit. Halcyon déclara que la suite de la faire serait donc prise en charge par ses propres agents, certainement plus compétents qu’un commandant de flotte comme l’Amiral pour ces missions-là. Enfin, Halcyon demanda davantage d’informations sur le chevalier Jedi mentionné. Troy se décontracta, il fallait dire qu’il aurait réagi de la même manière s’il avait été à la place de son interlocuteur. Ce qui était rassurant. Cela prouvait aux yeux de l’officier à quel point il comprenait le chef de la République. Troy répondit de nouveau, en faisant cette fois-ci les cent pas dans la vaste pièce.
— L’argent n’était clairement pas la motivation de Jal’Hel, Chancelier, il était déjà immensément riche. D’après le dossier que la chancellerie m’a confié avant le début de ma mission, il était également un ancien ponte du Syndicat du Métal. Pourri jusqu’à la moelle, corrompu, et fier de l’être. Seulement, son confort s’est vu être chamboulé après votre élection au poste de Chancelier.
Troy pouffa de rire.
— Vous avez mis un coup de pied dans la fourmilière, ce que j’ai particulièrement apprécié, pour tout vous dire. Mais vous n’ignorez rien de mes sentiments sur vos méthodes musclées. Je les soutiendrai coûte que coûte. Toujours est-il que Jal'Hel a pris peur. Tellement peur de finir au trou, qu’il a fait un appel d’offre aux systèmes indépendants de la galaxie pour une fuite qui le mettrait en sécurité. Seuls les mandaloriens ont répondu. Personne ne se soucie d’un conseiller véreux, vous comprenez. Ces derniers ont cependant exigé une condition à son extradition : des informations secrètes, de n’importe quelle nature, préjudiciable pour la République. Voilà pourquoi Jal’Hel a dérobé les données au sénateur. Quant à l’espion mandalorien, je ne suis pas assez spécialiste de la question pour vous répondre. Mais vous avez raison de vous poser des questions sur son cas. J’ai également était surpris en découvrant les techniques d’infiltration de cet agent. Etait-il vraiment mandalorien ? Etait-il plutôt un courtier engagé pour l’occasion ? Impossible de savoir. Il est mort, et jamais la vérité ne sortira de sa bouche. J’ai quand même ramené le corps, au cas où sa carcasse apprendrait quelque chose à nos experts légistes. En tout cas, pour lui, c’est mission accomplie. Je suis bien content de passer la main pour cette mission.
L’Amiral Troy sourit au Chancelier, et le rejoignit à sa droite, pour contempler la splendide vue de la large fenêtre. Coruscant avait toujours fasciné le kronien. Mais sa mine s’assombrit. Aborder le sujet qui allait suivre le révulsait au plus haut point.
— Parlons de ce chevalier Jedi, Chancelier. Mais moi, je l’appelle le Jedi Fou. Vous savez que je hais les Jedi, et tous les adeptes de la Force en général. Eh bien, croyez-moi, ma rencontre avec cet illuminé n’a fait que confirmer mes craintes sur l’Ordre. Il est en pleine déliquescence. C’est gravissime. Et si j’ai pris l’initiative de susciter son aide dans ma mission, c’est que je n’avais pas le choix. Par le Fort, j’ai cru qu’il allait me tuer.
La voix de Troy tremblait. Le simple souvenir du Jedi Fou le rendait dans un état anormal, un état de terreur qu’il n’avait jamais connu dans sa carrière, même aux frontières du danger et de la mort.
— Je participais aux fouilles de Theed, avec quatre de mes hommes. Et je l’ai trouvé là, seul, à cueillir des fleurs dans un champ voisin de la cité. C’était un véritable géant. Drapé de noir des pieds à la tête, à moitié fait de machineries, respirateurs, valves et autres artifices mécaniques. Il était lugubre. Je n’ai jamais vu un tel personnage. Puis, il a tué mon escorte. Quatre membres de la Brigade Bleue, en même temps. Ils ont lévité, puis ils se sont tous désarticulés, comme des pantins de bois que l’on brise. Vous m’entendez, Chancelier ? Comme des pantins de bois ! Si ce n’est pas une utilisation de la Force, alors je suis un wookie ! Nous avons discuté. Il faut dire qu’il avait ma vie entre ses mains. Il pouvait me tuer s’il le voulait, et je crois que l’envie l’en démangeait. Je lui ai expliqué le blocus, ma fonction, et que s’il me tuait, il serait vite retrouvé et qu’il était piégé sur la planète … Mais il s’en fichait. Il empestait le mal. Et puis il était certain de pouvoir quitter Naboo et passer le blocus. Mais une telle technologie n’existe pas, les systèmes de détection de la République sont les meilleurs, n’est-ce pas ? Ce qui m’a conduit à l’idée qu’il était complétement déconnecté de la réalité. Il devait être fou. Son nom était Saevus, et il m’a confirmé être un Jedi. L’occasion était trop belle. Ses dons pouvaient me servir pour mon investigation. Sans lui dévoiler toute l’opération, je lui ai juste indiqué que nous recherchions un dénommé Jal’Hel, ainsi qu’un agent mandalorien. Il n’a pas trop hésité, et a choisi de m’aider. Puis après les échanges de tirs dans la capitale, nous nous sommes séparés. Je n’avais pas le choix, les citoyens ne voulaient plus un seul représentant de la République sur le sol. Ma stratégie s’était retournée contre moi.
Troy refit les cent pas dans le bureau, pour évacuer son anxiété, qui ne devait plus laisser aucun doute aux yeux du fin analyste qu’était Halcyon.
— J’avais Jal’Hel, ou du moins je pensais avoir le vrai Jal’Hel à bord de ma frégate. Je voulais l’interroger pour qu’il nous donne des informations sur l’espion mandalorien, afin de les transmettre au Jedi, qu’il puisse lui-même mettre la main dessus dans Theed. Mais vous connaissez la suite. J’ai donc ordonné au Jedi Fou d’abandonner, je lui ai fait mes adieux par communicateur, nous en sommes restés là, et ce n’est pas pour me déplaire. Cette rencontre, Chancelier, m’a convaincu d’une chose : l’Ordre laisse délibérément dans la nature des brebis galeuses. Ou pire, des dissidents, ou des incompétents qui y ont laissé l’esprit. Le Jedi Fou n’est peut-être pas une exception. Certes, les Jedi n’ont pas de compte à vous rendre, du moins plus maintenant, mais ils ont fait le serment de défendre la justice et l’équilibre. Avec de tels spécimens, je les vois mal mener à bien leur juste cause ! Imaginez un peu les conséquences. Si certains d’entre eux choisissent de soutenir nos ennemis. Le Cartel, ou pire, les Mandaloriens. Chancelier, Saevus a assassiné froidement, sans motif, sous les yeux de l’Amiral de la République Fédérale quatre soldats. Et je n’évoque pas ses menaces de mort à mon encontre ! Tout cela équivaut à une déclaration de guerre. Les Jedi sont des individus très puissants, s’ils venaient à se retourner contre nous … Ce serait la fin. Déjà que notre position est délicate …
Troy épongea la sueur qui coulait de son front. Pour la toute première fois, il venait de perdre son sang-froid, et son calme olympien qui avait fait sa renommée.
— Je vous demande donc la permission de mener une mission diplomatique avec le Conseil Jedi. Un entretien est capital, je pense, car j'aimerais grandement m'entretenir avec eux au sujet du Jedi Fou. L’idée ne m’enchante pas, mais je dois en avoir le cœur net. Les Jedi ont-ils le parfait contrôle de ses propres forces ? Et s’il le faut, entamer des négociations pour un rapprochement. Et même aller plus loin sur le long terme. S’il le faut, je vous suggère l’idée de créer un fichier central, où tous les Jedi seraient répertoriés, pour plus de transparence, et éviter d’avoir de nouveau affaire à des individus comme mon ami le Jedi Fou. La coopération des maîtres Jedi sera nécessaire, mais nous pourrons utiliser la force, l’intimidation. C’est un projet personnel, qui mûrit dans ma tête depuis des années, faites-en ce que bon vous semble. Je vous en fait part, car, vous êtes le seul politicien auquel j’ai donné ma confiance. En attendant, la mission diplomatique est de mise pour clarifier bon nombre de choses. Qu’en pensez-vous ?